La-femme (Brigitte Bardot) – Décédée ce dimanche 28 décembre à l’âge de 91 ans, Brigitte Bardot était devenue, en un seul film, le sex-symbol planétaire des années 1950-1960. La star, qui n’en a toujours fait qu’à sa tête, s’était détournée brutalement du cinéma en 1973 pour se consacrer exclusivement à la défense de la cause animale. Elle a été aussi plusieurs fois condamnée pour « incitation à la haine raciale ».
Disparue à l’âge de 91 ans, Brigitte Bardot avait depuis longtemps tourné la page cinéma d’une carrière qui fut moins météorique et futile qu’on ne le pense au grand écran : 46 films quand même (en comptant les petits rôles) entre 1952 et 1973. Star planétaire capable de provoquer des émeutes au summum de sa gloire dans les années 1960, elle avait tourné le dos à la caméra en 1973 et s’était, depuis, consacrée à la défense des animaux, cause qu’elle a embrassée avec passion et ténacité jusqu’à son dernier souffle.
Issue de la grande bourgeoisie parisienne – père industriel, mère passionnée de mode –, Brigitte Bardot débute comme mannequin chez Elle dès l’âge de dix ans pour présenter la collection « junior », alors qu’elle suit parallèlement des cours de danse au Conservatoire de Paris. Repérée à la fois pour sa plastique parfaite et son caractère déjà bien trempé, elle est approchée par le metteur en scène Marc Allégret et son assistant, un certain Roger Vadim, qui tombe instantanément amoureux d’elle et vice-versa. La jeune fille a déjà fait quelques apparitions dans des petits rôles lorsqu’elle épouse Roger Vadim en décembre 1952, à 18 ans à peine. Lui en a 24.
Et soudain naquit « BB »

La carrière de la future superstar bascule trois ans et demi plus tard lorsque sort Et Dieu… créa la femme (1956). Vadim a eu toutes les peines de la Terre à monter ce qui est son premier film, mais Et… Dieu créa la femme fait l’effet d’une bombe dans un monde pas exactement préparé à l’érotisme dévastateur exhalé par celle qui va propulser ses initiales, BB, dans les étoiles. En quelques mois, la voilà devenue icône mondiale, une célébrité si forte qu’elle rejaillit également sur Saint-Tropez, le petit port varois où le film a été tourné et où la star acquiert, en 1958, La Madrague, propriété les pieds dans l’eau qui va devenir sa tanière.
Dès lors, les scénarios affluent mais, à 24 ans, l’actrice désormais la mieux payée de France ne se précipite pas et refuse systématiquement de céder aux multiples offres venues de l’étranger. Hormis une fois dans sa carrière – pour l’oubliable Shalako d’Edward Dmytryk, avec Sean Connery en 1968 –, elle ne sera d’ailleurs dirigée que par des metteurs en scène français ou francophones. Entre 1957 et 1963, elle tourne 11 films, dont les plus notables sont En Cas de malheur – un drame avec Jean Gabin –, Babette S’en va-t-en guerre – une comédie avec Francis Blanche – et La Vérité d’Henri Georges-Clouzot.
Remariée à Jacques Charrier, rencontré sur le tournage de Babette, Bardot vit particulièrement mal le tournage de La Vérité qui survient juste après la naissance de Nicolas, un fils dont elle ne va jamais vouloir, ou savoir, s’occuper. À bout de nerfs, elle tente même de se suicider le jour de ses 26 ans. Mais elle a de la ressource et se ressaisit vite, tenant même tête à l’organisation secrète d’extrême droite française OAS qui veut la rançonner. Elle va dénoncer elle-même l’affaire à la police, devenant un symbole contre l’organisation prônant le maintien de l’Algérie en tant que colonie française.
On est en 1962 et c’est à cette époque qu’intervient sa prise de conscience de la condition animale. Émue par un reportage sur les abattoirs, elle élimine la viande de son alimentation et vient pour la première fois plaider la cause des animaux au micro de Pierre Desgraupes dans Cinq Colonnes à la Une, l’émission phare de l’ORTF.
L’année 1963 est marquée par Le Mépris, où son éclatante beauté illumine le chef-d’œuvre de Jean-Luc Godard, un film devenu culte mais qui ne reçut qu’un accueil mitigé à sa sortie. Il aurait pu marquer un tournant vers une carrière plus sélective, mais ni Brigitte Bardot, ni Jean-Luc Godard ne retrouveront la même grâce, ni la même force au grand écran qu’à travers cette tragédie moderne tournée dans l’azur de la Côte amalfitaine. Après le cinéaste suisse, BB flirte pourtant à nouveau avec la Nouvelle Vague pour Viva Maria ! de Louis Malle, aux côtés de Jeanne Moreau. Un film dont elle assure, à contrecœur, la promo aux États-Unis en 1965, mais qui assoit encore un peu plus son statut de sex-symbol outre-Atlantique.
Une icône planétaire qui se donne à la chanson

En 1964, BB a fêté ses 30 ans, s’affichant en Une de Paris-Match, hebdomadaire avec lequel elle aura souvent collaboré et où elle est apparue 39 fois en couverture entre ses débuts et son 80e anniversaire. Bien plus qu’une star, elle représente alors un symbole qui va durer : celui d’une femme libre de ses désirs et de ses choix et aussi à l’avant-garde de la mode – tour à tour ingénue, pin-up, sex-symbol, amazone ou hippie avec sa moue boudeuse, ses yeux de biche et son abondante chevelure blonde.
Souvent imitée, jamais égalée, elle correspond à un absolu qui fait fantasmer les hommes et dont veulent s’inspirer les femmes. « John (Lennon, NDLR) et moi étions excités par Brigitte Bardot quand nous étions adolescents, résumait l’ex-Beatle Paul McCartney. Elle était stupéfiante et française. Pour nous, Brigitte, avec ses longs cheveux blonds, sa silhouette inouïe et ses petites lèvres boudeuses représentait la beauté féminine absolue. »
Délaissant petit à petit le cinéma – seuls L’Ours et la Poupée de Michel Deville (1970), Boulevard du Rhum et Les Pétroleuses (1971) marqueront les esprits –, BB pousse la chansonnette.
Dotée de talents limités dans ce domaine mais jamais en reste pour s’amuser, elle laisse opérer son charme et sa scansion si particulière de fausse ingénue. C’est évidemment sa collaboration avec Serge Gainsbourg qui reste à la postérité, collaboration artistique doublée d’une idylle aussi brève que fulgurante (elle est alors en rupture d’avec Gunther Sachs, son troisième mari), liaison abondamment commentée par un Gainsbourg qui ne s’en remettra jamais totalement. Cela nous a laissé, entre autres, « Harley-Davidson », « Comic Strip » et le tube mondial « Je T’aime… moi non plus ». Mais ces deux derniers titres sont avant tout popularisés avec la voix de Jane Birkin, mais bien chantés par BB dans leur version initiale, archivée avant leur sortie.
À l’approche de la quarantaine, Brigitte n’en peut plus d’être Bardot et elle offre une dernière fois son corps dénudé aux caméras de Vadim (Don Juan 73) puis de Nina Companeez en 1973 (L’Histoire très bonne et très joyeuse de Colinot Trousse-chemise), deux films sans envergure.
Clap de fin, on ne verra plus BB à l’écran. « J’arrête le cinéma, c’est fini, ce film est le dernier, j’en ai marre », confie-t-elle à France-Soir, un scoop qui fait le tour du monde en un éclair. Débarrassée du poids d’une célébrité devenue décidément trop lourde à porter, elle va désormais consacrer le reste de sa vie aux animaux avec, pour première fonction, celle de porte-parole de la SPA (Société protectrice des animaux) et, pour premier champ de bataille, la banquise et la défense des bébés-phoques.
La belle et les bêtes

Ce premier combat va s’avérer un succès puisque, le 15 mars 1977, l’alors président Valéry Giscard d’Estaing interdit l’importation de peaux de phoques en France, interdiction qui sera adoptée par l’ensemble des pays de l’Union européenne en 1983. Dopée par ce premier succès, Bardot se démène ensuite pour faire interdire la consommation de viande de cheval, mais ce combat-là débouche sur un échec dans un pays qui est le deuxième plus gros consommateur de viande de cheval en Europe de l’Ouest.
Elle rebondit en créant, grâce à la revente de biens personnels, la Fondation Brigitte Bardot, un organe de lobbying et de protection des animaux qui comptait 70 000 membres en 2013. « J’ai donné ma jeunesse et ma beauté aux hommes. Maintenant je donne ma sagesse et mon expérience et le meilleur de moi-même aux animaux », déclare-t-elle alors. Reconnue d’utilité publique par le Conseil d’État en 1992, la Fondation (13,9 millions d’euros de ressources en 2013, dont 73 % consacrés aux animaux) est l’une des plus grandes fiertés de sa présidente qui a légué ses propriétés de Bazoches (Yvelines) et de La Madrague pour lui donner une assise financière plus solide.
Cette même année 1992, BB épouse Bernard d’Ormale, un industriel proche du leader du Front national, Jean-Marie Le Pen. Bien qu’elle se défende d’être d’extrême droite (elle a cependant reconnu avoir plusieurs fois voté Front national, l’ancêtre de l’actuel Rassemblement national),
Plusieurs fois condamnée pour « incitation à la haine raciale »
Brigitte Bardot va défrayer la chronique à de nombreuses reprises pour des déclarations à l’emporte-pièce sur les homosexuels, les hommes politiques, les musulmans ou les enseignants. Elle est d’ailleurs plusieurs fois condamnée pour « incitation à la haine raciale » après des sorties malvenues sur l’islam et l’Aïd el-Kebir.
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Toujours battante malgré une santé déclinante, ces dernières années elle s’était particulièrement attaquée au commerce de la fourrure, au sort des chiens et des chats en Asie, à la chasse aux phoques au Canada et aussi au braconnage en mer, offrant en 2014 l’asile à son vieil ami Paul Watson, le cofondateur de Greenpeace, qui a baptisé son trimaran le MV Brigitte Bardot.
Au cours des dernières années, la star des années 1960 avait eu plusieurs ennuis de santé, lui valant de nombreuses hospitalisations. En novembre, Var–Matin avait affirmé que la star de 91 ans était hospitalisée à Toulon, un mois après un séjour lié à une intervention chirurgicale, en octobre. En mai dernier, dans une interview à BFMTV, elle avait assuré vivre « comme une fermière » entourée de ses moutons, ses cochons, ses chiens, ses chats, son âne et sa ponette et ne posséder « ni portable, ni ordinateur ».
Disparue à l’âge de 91 ans ce dimanche à Saint-Tropez, celle qui fut la première actrice à prêter ses traits à la Marianne républicaine aura finalement donné raison à l’adage selon lequel « la plus belle femme du monde ne peut donner que ce qu’elle a ».
Christophe Carmarans



























