S.E. Olivier POIVRE D’ARVOR, Ambassadeur de France en Tunisie, annonce la création d’une Groupe d’impulsion pour le partenariat économique France-Tunisie

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La-Femme (S.E. Olivier POIVRE D’ARVOR) – Son Excellence S.E. Olivier POIVRE D’ARVOR, Ambassadeur de France en Tunisie vient de présenter les Membres d’un nouveau groupe initié pour donner une réelle impulsion au partenariat économique France-Tunisie.

C’est au cours d’une rencontre organisée, le 20 mai 2019, aux Berges du Lac de Tunis, en présence des représentants de la presse et de plusieurs acteurs de la scène économique franco-tunisienne, que S.E. Olivier POIVRE D’ARVOR a présenté les Membres de ce groupe en faisant un état des lieux des relations France-Tunisie. Nous reprenons ci-après, en intégralité, son discours :

S.E. Olivier POIVRE D’ARVOR : « La France est fière d’être le premier partenaire de la Tunisie sur le plan économique et elle entend, plus que jamais, le rester.

  • La Tunisie a pour premier partenaire commercial la France : les exportations et les importations de biens entre les deux pays représentent 20% des échanges commerciaux de la Tunisie (chiffres 2018).
  • La Tunisie a également pour premier client la France : la France est le pays destinataire de près de 30% des exportations commerciales tunisiennes en 2018 (4,5 milliards d’euros sur l’année, un record). « Sans travail et export, on ne peut pas ramener de la devise et avoir un dinar en bonne santé », a d’ailleurs rappelé, il y a quelques jours, Marouen Abassi, le Gouverneur de la Banque centrale.
  • En termes d’investissements, la France est enfin le principal pourvoyeur d’investissements directs étrangers (IDE) en Tunisie avec 34% des flux d’IDE (hors énergie) orientés vers la Tunisie en 2018. Néanmoins, 1/5ème seulement de ces IDE correspondent à des créations d’entreprises ex nihilo, les 4/5ème restants représentant des extensions de projets déjà existants. Je pense à l’aéronautique, à l’automobile, aux câblages électriques, au textile, etc…

Au-delà de ces chiffres, la France a une place économique singulière aux côtés de la Tunisie :

  • Nos relations commerciales, en forte hausse depuis 2017 (+ 4,5%), sont structurellement, et de plus en plus, favorables à la Tunisie.
  • Les échanges commerciaux entre les deux pays génèrent un excédent commercial bilatéral record pour la Tunisie (1,2 milliard d’euros sur l’année 2018, soit de loin le principal excédent commercial bilatéral de la Tunisie).
  • Il s’agit d’un excédent bilatéral structurel pour la Tunisie, et qui progresse chaque année (+25% par rapport à 2017), surtout depuis 2013.
  • Enfin, dans le cadre d’une diplomatie économique partagée, la France peut proposer à la Tunisie un accès commun à des marchés africains, y compris dans leur dimension maghrébine. Nous y réfléchissons avec nos amis du Tunisia-Africa Business Council mais aussi avec des entreprises venues s’installer récemment en Tunisie aux fins de développer leurs actions en Afrique. A ce titre, l’organisation par la Tunisie à l’automne 2020 du Sommet de la Francophonie sera un rendez-vous déterminant… Loin d’être une inféodation à quelque ordre ancien, la langue française constitue une richesse tunisienne et un atout déterminant pour consolider la position économique de la Tunisie aux portes de l’Afrique sub-saharienne.

Faut-il encore rappeler et marteler que notre relation économique et commerciale avec la Tunisie, contrairement à une légende tenace, que d’aucuns voudraient entretenir par de fausses informations, n’est pas basée sur la domination et l’exploitation des richesses de la Tunisie ? La Tunisie n’a évidemment à recevoir de leçons et d’aides de personne. Mais il ne faut pas confondre indépendance avec isolement, souveraineté territoriale et patriotisme économique avec repli économique. La relation franco-tunisienne est gagnante-gagnante, celle d’un partenariat étroit. La réussite économique de la Tunisie est autant la réussite économique de la France, de ses 1400 entreprises employant 140.000 personnes, de ses 30 000 ressortissants, que des très nombreux partenaires tunisiens de cette présence dynamique.

De la même manière, les quelques 800.000 Tunisiens vivant en France représentent une source de richesses, à tous les sens du terme ; y compris en termes de liquidités et de possibles investissements que la diaspora ne manquera pas de réaliser, dans les années à venir, si l’amnistie de change voit le jour. Nous devons désormais mobiliser ces forces vives des Tunisiens de France qui peuvent mettre un stock très important de devises à la disposition de l’économie tunisienne. Démographie aidant, cette « famille franco-tunisienne » comptera en 2050 deux millions de membres qui constitueront une véritable communauté d’intérêt, faite d’investissements de part et d’autre, de revenus familiaux et de flux financiers.

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Depuis 2011, la situation économique de la Tunisie est difficile. Ebranlée par le changement politique, l’effondrement libyen comme par la menace sécuritaire, cette situation est aujourd’hui critique. Le modèle économique, celui d’une économie administrée, n’a guère évolué depuis les années 60. L’essoufflement date certes d’il y a plus de dix ans mais le secteur productif est désormais frappé de plein fouet, amorçant une désindustrialisation inquiétante. Malgré les efforts de ses gouvernements successifs, malgré la bienveillance de ses amis, malgré le soutien dont la Tunisie démocratique bénéficie depuis la Révolution, cette nouvelle donne politique n’a pas permis, douloureux constat, aux Tunisiens de mieux vivre économiquement. La Tunisie connaît aujourd’hui une situation « d’urgence économique » qui pèse sur la qualité de vie et les opportunités des citoyens tunisiens.

Cette urgence est d’abord celle du quotidien et du pouvoir d’achat. L’urgence insupportable de la cherté de la vie. C’est l’urgence des ménages et des familles les plus modestes pour qui le coût du panier de la ménagère est une violence quotidienne. C’est l’urgence absolue de la jeunesse, notamment diplômée, qui ne parvient pas à sortir d’un chômage de masse et durable. C’est aussi l’urgence des territoires, du développement de ce que l’on appelle les régions de l’intérieur, mais aussi des périphéries des grandes villes. C’est l’urgence d’un Etat affaibli et qui gère désormais dans la douleur, c’est l’urgence d’institutions fragiles, de secteurs sociaux comme l’éducation et la santé où la qualité de service baisse. C’est l’urgence des entreprises publiques, aujourd’hui déficitaires et qui peinent à fournir les services qui permettent aux entreprises comme aux individus de se développer.  C’est l’urgence des entreprises privées, d’une pression fiscale très importante et d’un climat d’affaires peu dynamique.

C’est bien entendu une urgence que l’économie parallèle, estimée à 50% du PNB, entretient, une urgence sur lesquels la situation régionale actuelle et le populisme en vigueur partout dans le monde pèsent négativement. C’est, pour résumer, l’urgence d’un mal être social des citoyens, d’un sentiment de déclassement économique, d’une performance très amoindrie et d’investissements en panne

Personne ne conteste la réelle fragilité de la situation économique tunisienne, à commencer par sa faible croissance. Bien au-delà des débats politiques propres à chaque démocratie, 2020, c’est à dire demain, 2020 sera difficile. Qu’il s’agisse de la masse salariale ou du remboursement de la dette, les charges risquent de croître. Une dette publique tunisienne à 80% du PIB, voire plus, est à prévoir dès 2019. Le secteur bancaire est, on le sait, fragile. Le secrétaire général de l’UGTT, Nouredinne Taboubi vient de le rappeler lors du congrès de la Fédération des banques et des établissements financiers en affirmant qu’il faut faire en sorte que l’économie informelle intègre l’économie formelle, pour pallier le manque de liquidité financière et lutter efficacement contre la contrebande. Des réformes « tunisiennes », profondes, s’imposent dès lors que la Tunisie souhaite, à juste titre, ne pas avoir à appliquer durablement celles recommandées par l’extérieur, je pense notamment au FMI.

Ces urgences, j’ai pu également en prendre conscience par le travail réalisé par la société civile tunisienne, je pense au FTDES, à l’IACE mais aussi grâce à des organismes publics comme le Conseil d’analyses économiques, la Caisse des dépôts et consignations, booster de l’investissement. J’ai également pu mesurer ces urgences sur le terrain, lors de ces nombreux déplacements que je tiens à effectuer à la rencontre de la diversité tunisienne (élus, responsables économiques, syndicalistes, universitaires, artistes…) pour comprendre, écouter, et me permettre d’orienter au mieux l’action de l’Ambassade.

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A ces urgences, il ne s’agit pas de trouver des responsables, mais des réponses. Mais si les réformes en cours, si les projets portés par les uns et par les autres ne parviennent pas à apporter des solutions assez rapides, ou assez radicales pour briser le cercle vicieux, il nous appartient en tant que premier ami de la Tunisie, d’être plus ambitieux, et de réfléchir autrement. Car l’ambition de la Tunisie et des Tunisiens n’est évidemment pas la simple survie économique mais un développement inclusif, source de mieux-être pour toutes les catégories et toutes les régions de Tunisie. Ce nouveau contrat social, dès lors que le pays le formule, nous pouvons l’accompagner.

Etre plus ambitieux ENSEMBLE

Le Président de la République, lors de sa visite d’Etat en janvier 2018, a voulu que la France se montre à la hauteur à la fois de sa fidélité à la Tunisie et des défis que rencontre l’économie tunisienne

  • Il a décidé que la France allait consacrer une part importante de son aide au développement, peut-être la plus importante au monde rapportée au nombre d’habitants, au développement de l’économie tunisienne. L’Agence française de développement investit et investira donc pas moins de 250 millions d’euros (plus de 800 millions de dinars) par an en Tunisie. C’est un investissement parfaitement bien placé, une juste prime à la démocratie. La nouvelle Tunisie est un laboratoire régional et sociétal unique et l’on pourrait dire en guise de métaphore que la réussite de son expérience dépend, comme pour toute communauté scientifique, des crédits de recherche que des partenaires amis engagent.
  • Faut-il rappeler que la France, par sa place au sein de l’UE et des grandes organisations internationales, porte la voix de ce pays au sein de ces instances ? Qu’elle apporte également dans un cadre multilatéral une contribution supplémentaire financière de 50 millions d’euros par an en dons à la Tunisie, tout comme nous avons converti récemment 90 millions d’euros de dettes en projets de développement dans l’éducation et la santé.
  • Assumant pleinement en 2019 sa présidence du G7+UE, l’Ambassade de France en Tunisie a, par ailleurs, relancé en mars de cette année un « G7 éco » (sur le modèle du G7 sécurité créé après les attentats de 2015) qui a pour mission de coordonner au mieux les actions des états membres, des bailleurs de fonds internationaux et des autorités tunisiennes. A raison de trois réunions annuelles avec celles-ci, ce mécanisme de coordination et de coopération économique entre la Tunisie et le G7+UE travaillera également sur deux thèmes transversaux (lutte contre l’économie parallèle/emploi pour la jeunesse par exemple). La première réunion du G7-UE s’est tenue avec le chef du Gouvernement et ses ministres le 18 mars 2019. La seconde se tiendra tout début juillet.
  • Le Président Macron nous a ensuite donné pour objectif de doubler les investissements français en Tunisie à horizon 2022. Ils ne sont actuellement que de 700 millions d’euros, soit seulement 0,06% des investissements directs français dans le monde ! Passer à 1,4 milliard est un effort ambitieux, un effort qui demande l’engagement de tous. De la même manière, les 86 millions d’euros d’investissements tunisiens en France (exercice 2017) mériteraient certainement d’être doublés. Je suis heureux d’annoncer aujourd’hui qu’une ligne de crédits française de 30 millions d’euros, bientôt opérationnelle, permettra de soutenir l’activité des PME/PMI tunisiennes.

Ces objectifs, nous sommes pleinement engagés à les atteindre, dans une démarche partenariale, au travers de la coopération de tous les acteurs de l’équipe France (Service économique, Business France, Expertise France, Agence française de développement) comme avec leurs partenaires tunisiens. L’ambition est élevée, elle est à la hauteur de la qualité exceptionnelle de la relation franco-tunisienne. Pour la résumer, quatre verbes actifs : libérer, produire, exporter, employer plus.

Un certain nombre d’actions ont déjà été engagées : l’AFD a engagé, en 2017 et 2018, plus de 300 millions d’euros (plus d’1milliard de dinars). Deux forums économiques se sont tenus, sous l’impulsion de la Chambre tuniso-française de commerce et d’industrie et des Conseillers du commerce extérieur de la France, puis de Business France, pour promouvoir les opportunités de l’économie tunisienne et encourager l’investissement qui bénéficie désormais d’une loi le favorisant. Ces efforts se poursuivront et j’en remercie sincèrement ceux qui s’y consacrent déjà.

Il faut cependant faire davantage, changer de braquet, en se fixant des priorités.

Nous avons ainsi identifié cinq secteurs prioritaires qui présentent un fort potentiel de développement économique en Tunisie : le tourisme, les transports, la santé, le numérique et l’énergie.

 

  • Le tourisme est un secteur moteur de l’économie tunisienne, qui mobilise des emplois en nombre et génère des recettes importantes en devises mais qui doit s’adapter, se développer, se structurer. La France est pleinement engagée pour accompagner la Tunisie dans cette relance et la dynamisation du tourisme en Tunisie et nos deux pays mobilisent de manière inédite leurs forces respectives pour promouvoir la destination Tunisie. Avec 800.000 touristes en 2018, la Tunisie était déjà la cinquième destination préférée des Français et la quatrième hors Europe.
  • Le tourisme traditionnel, côtier et balnéaire peut rester une valeur sûre à court terme, et j’en veux pour preuve la réouverture d’un Club Med rénové à Djerba, en mars de cette année. Tout comme l’engagement renforcé de tour-opérateurs français comme Framissima, Loukea, Jet Tours…Mais également l’intérêt croissant des médias français touchant un large public, tel Cyril Hanouna venu tourner une émission de prime time en Tunisie.
  • Le tourisme d’affaires et de conférences est en plein boom, et le groupe Accor, après le rachat de l’enseigne Mövenpick, qui nous accueille très aimablement aujourd’hui, se positionne comme un des premiers hôteliers de Tunisie. Bientôt un Sofitel à Hammamet, des Novotel et des Ibis…
  • Un des axes auquel je crois le plus, à moyen terme, pour le renouveau du tourisme est la mise en valeur de l’extraordinaire patrimoine historique tunisien. De plus en plus nombreux sont les évènements organisés en France autour de produits tunisiens ou de concepts stores faisant la promotion de l’artisanat local. L’Agence Française de Développement (AFD) a soutenu récemment, la rénovation de médinas (Tunis, Kairouan, Sfax, Sousse) et va poursuivre ce programme cet été à travers un appel à candidatures. Expertise France commence la mise en œuvre d’un projet européen qui va dans le même sens, pour un montant de 15 M€. Dans un autre domaine, l’entrée en Tunisie du groupe franco-tunisien Alliance de Samir Jaïeb montre le potentiel très important dans le domaine de l’investissement touristique.
  • Une autre dimension est l’action de mise en valeur des sites naturels : l’Institut Français de Tunisie intervient à travers le fonds de soutien à la coopération décentralisée franco-tunisienne, qui a permis de financer plusieurs projets liés au tourisme. Après les présidents des régions d’Ile de France, de Normandie et d’Occitanie, c’est celui de Provence Côte d’Azur, Renaud Muselier, qui sera présent en Tunisie cet été, notamment à Kasserine. Je pense enfin évidemment à la Saison Bleue et au Forum de la Mer, qui a porté plus de 200 événements sur le littoral tunisien entre mi-juin et mi-octobre 2018 et renouvelle cette expérience cette année à partir du 20 juin mais également à des saisons culturelles comme« Djerba invite la France », autant d’expériences menées avec le précieux soutien de l’ONTT.

Alors que les conditions sécuritaires, grâce aux efforts tunisiens que nous soutenons, se sont considérablement améliorées, nous visons l’objectif d’un million de visiteurs français en 2019. Il s’agit d’une stratégie partagée très étroitement avec le ministre du Tourisme et de l’Artisanat, M. René Trabelsi, bien connu pour sa détermination et sa connaissance du marché français.

 

2) Le secteur du transport, dans lequel la Tunisie a historiquement beaucoup investi, a besoin d’une mise à niveau et, à ce titre, je salue les travaux du dialogue national qui vient de se tenir et a permis de définir les principales stratégies à mettre en œuvre. La France est déjà très impliquée via des financements et de l’appui technique et institutionnel et va faire encore davantage

  • Sur la dimension stratégique, nous avons décidé de mobiliser dans le prolongement d’un premier financement une nouvelle subvention conséquente d’1,5M€ afin d’appuyer le Ministère du Transport et ses opérateurs à décliner plus efficacement sa politique de transports urbains. Nous sommes également disponibles pour agir en faveur du transport rural.
  • Sur les grands projets, nous accompagnons déjà l’existant (travaux réalisés en faveur du TGM, chantiers en cours du RFR), et allons accroitre l’effort au travers de l’AFD du réaménagement de la Place de Barcelone).
  • La filiale secteur privé (Proparco) s’est mobilisée en faveur du premier partenariat public-privé, l’aéroport d’Enfidha-Hammamet, qui accueillera en 2019 1,8 million de voyageurs, soit le double du total du 2018. Aéroports de Paris, via la TAV, opère la double concession de Monastir et d’Enfidha-Hammamet est un des acteurs clés de cette restructuration.
  • Le transport est également un des secteurs sur lesquels nous souhaitons accompagner la Tunisie dans son ambition africaine: nous en avons parlé en 2017 à l’occasion des Rencontres Africa, et Business France organise régulièrement des séminaires à ce sujet.
  • L’AFD sera également présente, tout comme de nombreuses entreprises françaises, pour accompagner le projet ambitieux, et indispensable, de métro léger de Sfax.
  • Elle est enfin disposée, si l’Etat tunisien le lui demande, à s’intéresser à la question des infrastructures portuaires et du transport maritime lesquelles, en raison entre autres de leur état, ne répondent pas à la demande économique. Je pense au port en eaux profondes d’Enfidha comme aux extensions des quais de Radès.

Sur tous ces sujets et cette ambition partagée avec nos amis tunisiens, je m’entretiendrai dans les jours à venir avec le ministre des Transports, M Hichem Ben Ahmed.

3) Le système public de santé tunisien est un fleuron historique du pays grâce à de nombreuses infrastructures et un personnel médical réputé très bien formé. Il a permis le développement d’un important secteur privé qui présente une offre de soins de qualité mais il rencontre aujourd’hui d’importantes difficultés structurelles comme nous le rappelle le décès dramatique des nourrissons de l’hôpital de la Rabta. Il faut donc libérer tout son potentiel de croissance qui demeure important.

  • La France, par l’intermédiaire de l’AFD, participe à cet effort que ce soit via le financement des hôpitaux de Gafsa (80 millions d’euros) et de Sidi Bouzid (78 millions d’euros) ou via le programme E-santé qui va participer à la digitalisation des services hospitaliers ( dont ceux de la Rabta) pour un montant de 27,3 millions d’euros. Tous ces projets viennent de faire ces dernières semaines l’objet de signatures d’engagements financiers et permettront de mobiliser des moyens  importants, et d’apporter un appui structurel à l’offre publique de soins. Nous allons déployer à Gafsa, où la construction d’un nouvel hôpital exige nécessairement du temps, un appui en réponse aux besoins les plus urgents. Je vais m’en entretenir dans les jours à venir avec Mme Sonia Ben Cheikh, la ministre de la Santé, qui recevra prochainement son homologue française.
  • Les entreprises ne sont pas en reste. Le Club Santé, co-piloté par Business France et Pierre Fabre, réunit une vingtaine d’entreprises du secteur pharmaceutique et des services de santé. Il entretient un dialogue constant avec les autorités de la santé et la Pharmacie Centrale de Tunisie afin de développer des activités de coopération et des relations qui leur permettent de faire face à leurs investissements.
  • Enfin nous sommes prêts à étudier avec les autorités locales comment faire de la Tunisie une Floride de l’Afrique et de l’Europe, capable de traiter malades ou personnes âgées.

4) Le secteur du numérique, extrêmement compétitif en Tunisie, incarne l’économie de demain. Il connaît un essor important grâce à un réseau d’entreprises innovantes, start-ups, incubateurs, clusters,  business-centers, labs et autres structures d’appui à l’entrepreneuriat et au financement de start-ups. La loi start-up Act votée en 2018 montre l’avance prise par la Tunisie dans le domaine de l’entreprenariat.

  • La France est un partenaire de la première heure de l’écosystème de l’innovation en Tunisie avec plusieurs projets destinés à appuyer les acteurs de la société civile économique. La présence des réseaux comme « Entreprendre Tunisie » ou « Initiatives Tunisie » nés de rencontres franco-tunisiennes nous le rappelle.
  • Cet engagement a été réaffirmé et renforcé à l’occasion de la visite d’Etat du Président Macron, qui a permis le lancement de l’Initiative JET « jeunesse, entrepreneuriat et numérique », mobilisant 50 millions d’euros, qui est en cours de déploiement par l’AFD et finance notamment des incubateurs via la Caisse des Dépôts et Consignations tunisienne.
  • La création d’un fonds de fonds (ANAVA), déclinaison financière du Start Up Act, appuyée par BPI France est à l’étude.
  • Expertise France, dont la Tunisie est le premier pays d’intervention au monde, mettra prochainement en œuvre un projet sur l’innovation, sur financement européen. 15 millions d’euros seront engagés.
  • Côté entreprises, je me félicite de la labellisation par la France ce 3 avril dernier du hub tunisien en Communauté French Tech. Ce label reconnait le dynamisme de l’écosystème franco-tunisien et va permettre de stimuler encore davantage les échanges technologiques entre nos deux pays pour qu’ensemble nous développions les produits et services de demain.
  • Trois projets structurants verront le jour dans les prochaines semaines :
  • Le projet Elife, qui bénéficie de notre part d’un appui financier de 3 M€, permettra à de jeunes diplômés chômeurs dans le secteur numérique d’accéder au sein des régions à des formations certifiantes de qualité tournées vers l’emploi. Le premier centre Elife, porté par la fondation Tunisie pour le Développement, ici représentée par son Président, M Badreddine Ouali, sera d’ailleurs inauguré le 3 juillet à Siliana.
  • La « Station T », inspirée de la Station F de Xavier Niel, déployée avec les autorités tunisiennes et l’implication attendue de l’ensemble de l’écosystème de l’innovation et de l’entrepreneuriat sera lancée à l’automne et permettra de doter la Tunisie d’une école du numérique et d’un incubateur répondant l’un et l’autre à l’enjeu d’employabilité des jeunes diplômés issus pour partie de zones défavorisées de Tunisie.
  • Ensuite, dès la rentrée, l’AFD appuiera un grand projet de formation de l’ANETI centré sur les softs skills, le renforcement de l’estime de soi et les techniques de recherche d’emploi pour 20 000 chômeurs, dans les zones intérieures, les quartiers populaires, avec priorité marquée aux femmes, pour les remettre sur le chemin de l’employabilité, voir celui de l’entreprise.

5) Le contexte énergétique tunisien est marqué par l’aggravation du déficit énergétique et la dépendance croissante à l’égard des importations de gaz. La France soutient la stratégie tunisienne de diversification du mix énergétique dans la perspective de porter la part du renouvelable à 30% de l’électricité produite à horizon 2030. Nous nous engageons donc pleinement à participer aux efforts de la Tunisie en faveur de la transition énergétique, qui est structurante pour notre relation bilatérale.

  • L’AFD finance ainsi auprès de la Société tunisienne de l’électricité et du gaz (STEG) la mise en place d’un projet pilote de déploiement de 400 000 compteurs intelligents à Sfax.
  • L’AFD dispose aussi d’une ligne de crédit via trois banques commerciales pour le financement de projets portés par des PME/PMI tunisiennes dans les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique.
  • L’AFD souhaite également participer au financement par la STEG de la centrale éolienne de Tbaga ainsi qu’à celui de la centrale à pompage-turbinage de Oued el Melah.
  • La filiale secteur privé de l’AFD (Proparco) devrait accompagner des investisseurs privés retenus dans le cadre de l’appel d’offres placé sous le régime des concessions.
  • Notre coopération bilatérale est aussi animée par l’accord de partenariat entre l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME) et l’Agence Nationale de la Maîtrise de l’Energie (ANME), renouvelé pour la troisième fois en 2017.

Au-delà de cette coopération, les entreprises françaises des énergies renouvelables, dont certaines sont leaders sur le plan international, se sont mobilisées de manière exceptionnelle pour répondre aux appels d’offres du gouvernement tunisien et contribuer ainsi à faire gagner à la Tunisie son défi énergétique.

 

Ces priorités sectorielles, symboles d’une action plus résolue et plus ciblée de notre part, doivent également s’accompagner d’une autre manière de mobiliser les énergies au profit de notre ambition commune.

Réfléchir, et agir, autrement

Ensemble, France et Tunisie doivent renouveler leur approche des réponses à apporter aux défis économiques auxquelles nous sommes confrontés. Cela passe par trois canaux :

  • des réflexions et décisions partagées autour des enjeux de demain qui dépassent le cadre étroit de la relation bilatérale. Nos actions doivent répondre ainsi à quatre principes : la co-construction, l’équitabilité, le réciprocité et l’innovation. Et à une dimension transversale qui est celle du déploiement de nos programmes en région. Depuis deux ans, nous disposons d’outils institutionnels très pragmatiques : une feuille de route commune que nous avons écrite avec nos partenaires tunisiens, à travers le récent Haut Conseil de Coopération dont la seconde édition s’est tenue à Paris le 14 février dernier sous la présidence des deux chefs de gouvernement. Mais également le comité mixte sectoriel pour le développement des investissements qui a été lancé le 10 décembre dernier et dont la première réunion sectorielle s’est tenue le 7 mai, consacrée à la question de l’énergie.
  • l’affirmation et le maintien d’un mantra, « jeunesse et emploi », qui doit colorer toutes nos actions.
  • la mobilisation de nouvelles énergies qui bousculent nos habitudes. Comment, par exemple, plus et mieux co-localiser les projets, comment être plus mobile, plus agile, plus réactif, plus opportuniste? Comment mieux impliquer les partenaires financiers européens, je pense à la BERD et la BEI ou s’intéresser à l’idée d’un fonds générationnel cher à notre ami Jelloul Ayed, ici présent ?

1) Ces décisions et actions conjointes  portent, en premier lieu, sur la question première qui est celle de la lutte contre le changement climatique. Des projets financés par l’AFD (PACTE, Sunref, Adapt’Action…) apportent des appuis et du soutien à l’évolution des politiques publiques qui visent l’atténuation ou l’adaptation. Il s’agit d’un engagement très important : le programme d’appui au changement climatique dans les territoires (PACTE) est ainsi doté de 50 millions d’euros. Le Forum Convergences, qui sera organisé à la mi-juin, réunira ainsi des experts français et tunisiens autour de cet enjeu.

  • Nous devons davantage nous projeter vers l’avenir : un mémorandum de dialogue stratégique sur les questions économiques et de développement a été signé entre la République tunisienne et l’AFD à l’occasion de la visite d’Etat du Président Macron. Il répond à l’objectif de créer un cadre commun de réflexions bilatérales sur des sujets prospectifs (lutte contre les inégalités, de revenu, mais aussi territoriales, promotion de la transition énergétique et écologique et internationalisation des entreprises tunisiennes) pour faciliter la préparation des politiques publiques de demain en Tunisie. J’attends beaucoup du nouveau cadre d’intervention stratégique que le directeur général de l’AFD et ses équipes élabore actuellement et qui répondra de manière précise aux enjeux de développement durable et inclusif de la Tunisie.
  • Notre réflexion doit également nous permettre de dépasser les cadres habituels : j’ai déjà évoqué l’Afrique, mais notre premier horizon partagé demeure la Méditerranée. Au travers des échanges que nous organisons ensemble, de l’accueil par Tunis d’un sommet de 100 personnalités de la société civile, les 11 et 12 juin prochains, puis par Marseille du Sommet des deux rives, le 24 juin, nous identifierons les grands projets mobilisateurs de demain, ceux qui permettront de donner chair à cet espace commun. Une fois retenus par les chefs d’Etat et de Gouvernement présents à Marseille, ils feront l’objet de financements spécifiques de la part de la communauté internationale.
  • Notre horizon, ensemble, c’est évidemment l’Europe. Si l’Afrique reste un espace économique à investir, l’espace européen est l’évidence. L’Europe pour la Tunisie, ce peut-être plus que les 4 pays, dont la France, qui aux cotés de l’Italie, l’Allemagne et l’Espagne représentent 85% des exportations tunisiennes et 90% des investissements directs étrangers en Tunisie. Avec l’apparition de touristes d’autres pays européens, je parie que de nouveaux partenariats économiques vont naître.
  • L’ALECA, enfin. Elle ne doit pas être un gros mot, car elle sera ce qu’en feront les négociateurs tunisiens. Les derniers échanges illustrent des convergences bienvenues sur de nombreux secteurs. Au travers de cet accord, comme au travers des perspectives que construiront ensemble les nouveaux exécutifs européens et tunisiens à partir de 2020, de nouvelles opportunités peuvent s’ouvrir.
  • le mantra qui doit être le nôtre est celle de la jeunesse et de l’emploi. Il doit guider, c’est l’instruction que j’ai donné à mes équipes, chacune de nos actions, qu’elles soient économiques, culturelles ou scientifiques, il doit être le critère d’évaluation de nos succès. Employabilité, employabilité, employabilité. C’est pourquoi nous investirons, et je choisis le terme à dessein, dans l’éducation au sens large. J’ai déjà évoqué les centres Elife et la Station T. Depuis un an nous avons aussi développé l’offre d’enseignement du français, langue de l’emploi en Tunisie, au travers de la création d’Alliances françaises et de nouveaux centres de langues de l’Institut Français sur tout le territoire.

Dès la rentrée 2019 s’ouvrira l’UFTAM. L’Université franco-tunisienne pour l’Afrique et la Méditerranée accueillera à Bir el Bey des étudiants en licence et master, dont le point commun est leur caractère professionnalisant Là encore, il s’agit de produire une offre commune à destination de l’Afrique, de la Méditerranée et de l’Europe réunies. C’est un projet majeur, unique, tant du côté tunisien que français. A travers la double diplomation et l’engagement des universités des deux pays, ce sont des milliers d’étudiants tunisiens, africains, méditerranéens, voire peut-être un jour européens qui seront formés dans les années à venir en Tunisie avec l’assurance d’un métier et de qualifications recherchées dans le monde entier. Autre bonne nouvelle dans le champ de l’éducation et de la formation professionnelle : l’ouverture de l’Ecole nationale des ingénieurs de Bizerte dans les mois à venir

3) Pour mobiliser de nouvelles énergies, il suffit souvent de leur offrir un cadre. Le Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, en a lancé l’idée lors de sa dernière visite à Tunis. Cette idée se concrétise enfin aujourd’hui au travers du Groupe d’Impulsion, en s’appuyant sur ceux qui feront que l’économie tunisienne connaîtra un renouveau de sa croissance, mais aussi de ses modèles de développement : les entreprises, les investisseurs, les innovateurs. Les acteurs, au centre de notre relation économique, ce sont bien les entreprises, qu’il s’agisse de gros sites industriels, de PME, d’entreprises familiales. Les femmes et les hommes qui ont accepté de participer à ce Groupe d’impulsion économique, et que je remercie, ont vocation à être rejoints par d’autres. Aux côtés des cadres plus institutionnels de dialogue avec le monde économique que sont les Conseillers du commerce extérieur de la France et la Chambre tuniso-française de commerce et d’industrie, je veux rendre hommage aux actions et au soutien que nous apporte l’UTICA, la CONECT, l’APII, le CEPEX, le FIPA, la TIA, l’ATUGE et bien d’autres associations, précieux partenaires de l’Ambassadeur que je suis ; Ce Groupe d’impulsion aura pour vocation de nous provoquer, de nous bousculer, de nous soumettre avis et initiatives.  Outil de mise en réseau, il sera essentiel pour impulser des idées et lancer de nouveaux projets notamment dans des secteurs innovants présentant un fort potentiel de développement économique tels que le numérique et l’économie bleue. Pour nous encourager à accompagner des PPP. Pour nous engager, par exemple, à accompagner la dépollution du golfe de Gabès. Je rencontrerai le groupe trois fois par an, pour interroger nos actions et en imaginer d’autres, et je suis sûr qu’il deviendra rapidement, en raison de la qualité des femmes et des hommes qui ont répondu présents, un outil structurant et très efficace au service d’un partenariat franco-tunisien de long-terme.

D’ores et déjà, et dans la perspective de la première réunion de ce groupe d’impulsion au tout début juillet, je fixe déjà à ses membres deux sujets de réflexion et de proposition d’actions. Celui d’abord du soutien à la modernisation de l’agriculture tunisienne et des industries agro-alimentaire. Celui enfin de la circulation, de la mobilité, de la migration économique, plus généralement. Que faire pour répondre aux inquiétudes légitimes que provoque l’exode à l’étranger (et pas uniquement en France, loin de là, je tiens à le préciser) d’un certain nombre de médecins, de chercheurs, d’enseignants universitaires, de créateurs, d’informaticiens, d’ingénieurs plus généralement ? Pour les générations futures, nous n’avons pas le droit de rester sur un cycle qui paraît être celui d’une dépréciation du capital humain, donc celui de la décroissance. La mobilité professionnelle et humaine est la clef de la relation qui unit le couple franco-tunisien. Voilà un ambitieux et beau sujet pour nous tous.

Je vous remercie.

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